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Sahel : la Mauritanie et la stratégie pour rester à l’écart de la crise

La France est en train de quitter son dernier bastion au Sahel, le Niger, en ramenant au bercail les 1400 soldats qui étaient engagés dans le dispositif militaire Barkhane destiné à la lutte contre le terrorisme.  Avant le Niger, le Mali et le Burkina Faso avaient déjà exprimé leur désir de « déconnexion » avec la France pour répondre aux sirènes de Moscou. Dans le groupe du G5 Sahel seuls la Mauritanie et le Tchad n’ont pas cédé à la tentation et continuent à entretenir de bonnes relations avec Paris.

« La France n’a pas d’amis mais des intérêts », aurait dit le général De Gaule. C’est apparemment cette devise que des pays africains (Mali, Guinée, Niger, Centrafrique) qui avaient un fort ancrage dans la Françafrique sont en train d’appliquer à la lettre. En croyant voir leurs « intérêts » ailleurs, du côté de la Russie. La Mauritanie qui est à l’origine de la création du G5 Sahel, en 2014, est aujourd’hui au centre d’un jeu géostratégique qui met face à face les Occidentaux, avec comme tête de pont la France et les Etats-Unis, et la Russie longtemps écartée du « gâteau » Afrique.

Pour le moment, Nouakchott cherche à se maintenir à l’écart de ces manœuvres, en entretenant ses bonnes relations avec la France mais sans chercher à vexer la Russie qui a déjà une présence effective, à travers le groupe Wagner, au Mali, en Centrafrique et probablement aussi au Burkina Faso et au Niger dans peu de temps.

C’est dire donc qu’au rythme où vont les choses, l’alliance militaire G5 Sahel est en sursis. La Mauritanie à elle seule ne peut sauver cette coalition, même si le président Ghazouani garde une forte dose d’espoir disant dans une récente interview  à un média français que le « G5 Sahel est encore en vie ».

Sur le plan de la mobilisation des ressources, le président mauritanien qui en encore en tête les résultats des travaux de la 4e session de l’Assemblée générale de l’Alliance Sahel (une plateforme de 27 partenaires bilatéraux et bailleurs créée pour mobiliser l’aide internationale en vue du développement de la région) tenus à Nouakchott, le 10 juillet 2023, a peut-être raison. Les engagements restent forts et Ould Ghazouani a souhaité le retour du Mali dans le Groupe dont l’objectif est la lutte contre le terrorisme, une menace permanente pour tous les pays de la sous-région, même si la Mauritanie est épargnée depuis 2011.

Le Mali qui  a quitté ce cadre institutionnel  militaire en mai 2022 et a, par la suite, réclamé le départ de la force française Barkhane puis celui de la  Munisma (Mission des Nations unies de sécurité au Mali).

« J’espère que ce retrait (du G5 Sahel) sera très momentané », avait déclaré Ghazouani, estimant que ce départ et celui de la force française Barkhane ainsi que l’éclatement du conflit au Soudan étaient « des événements regrettables qui ont perturbé le fonctionnement normal de (l’) organisation et accéléré davantage la vulnérabilité de (son) espace déjà très fragile ».

La junte qui dirige le Mali depuis le 18 août 2020 s’est éloignée progressivement de la France pour s’appuyer, militairement, sur la Russie dont les forces paramilitaires Wagner sont également présentes dans certains pays africains comme le Centrafrique et le Soudan. Ce dernier est secoué par une guerre civile depuis trois mois.

Ce choix stratégique perturbe considérablement les projets initiés par l’Union européenne, principal bailleur de la force conjointe du G5 Sahel qui représentait aux yeux des partenaires internationaux du Sahel une porte de sortie à un moment où le jihadisme se propage ailleurs, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, jusqu’à menacer à présent le Golfe de Guinée plus au sud.

Les démêlés de la junte malienne avec Paris ont fini par pousser le pouvoir de Bamako à reconsidérer son engagement dans le G5 Sahel que d’aucuns considèrent comme un « machin » créé par la France pour mutualiser les forces militaires de pays avec lesquels elle a des accords de défense et de coopération militaire poussés.

Soutenu militairement et financièrement par la France et l’Union européenne à travers l’Alliance Sahel, le G5 traverse une crise profonde depuis que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont renoué avec les coups d’Etat. Les militaires au pouvoir, dans un pays comme dans l’autre, ont leurs propres priorités, même s’ils affirment être venus, justement, parce que la situation sécuritaire est devenue préoccupante.  La gestion de transitions militaires objet de critiques sévères de la part d’une bonne partie de la classe politique malienne et burkinabe détourne les juntes au pouvoir de ce qui devait être leur priorité : la lutte contre les djihadistes. Ainsi, la crainte de l’opinion publique malienne et burkinabe est de voir les militaires au pouvoir saisir le prétexte de la situation sécuritaire d’exception dans leurs pays pour reculer les échéances électorales qui doivent permettre le retour à la démocratie.

 

Sneiba Mohamed

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